Chemin de la sobriété heureuse,
44.116993, 3.583080*
Avec des coordonnés GPS à la place du code postal.
J’ai toujours été fascinée par les systèmes de langages codé.
C’est pas vraiment une carte postale … En 91 alors que j’étais toute petite, mon père est parti en voyage d’affaire au Japon. De son séjour il nous a ramené une série de reproduction d’estampes de Kiyoshi Saito, un artiste sosaku hanga, originaire de la région d’Aizu. L’une d’entre elles s’est retrouvée à trôner au dessus du salon pendant plus d’une dizaine d’années.
Je me souviens qu’avec mes yeux de petite fille occidentale j’étais déconcertée par l’esthétique de cette image que je trouvais maladroite, naive, déséquilibrée… Je ne comprenais ce que cette image faisait chez nous. Pourtant, je crois qu’elle a indirectement contribué à mon intérêt pour l’illustration et l’image imprimée. Aujourd’hui je trouve les œuvres de Kiyoshi Saito d’une beauté sans pareille et même si la vie m’a conduite ailleurs, j’aurais rêvé apprendre à faire des images à ses côtés !
Paul Cox* ! Son approche conceptuelle et son esthétique de l’image se prêterait bien à l’exercice philatélique je crois. Pourquoi pas une série de Marianne réinterprétées par Paul Cox ! Haha !
Depuis quelques années je suis plutôt road trip. Avoir un fourgon aménagé procure un incroyable sentiment de liberté. Vivre et voyager en famille dans un 3m³ t’ouvre sur une approche plus sobre, autonome et spontanée du voyage. Tu te réjouis de choses simples, tu vis au jour le jour. Ce qui compte c’est l’expérience.
Mais quand tu te prends au jeu d’une vie nomade, tu es tenté d’aller toujours plus loin… Avaler des kilomètres pour découvrir de nouvelles régions, de nouveaux paysages, au risque de ne plus vivre le temps présent… Je rêve d’un voyage au temps long, celui d’une itinérance douce et quotidienne sur toute une saison, avec un carnet de croquis pour principal compagnon.
J’ai une tendresse sincère pour tous ceux qui parviennent à se désolidariser du rythme effréné de nos sociétés, les bergers en estive, les pèlerins, les hobos de tous les continents qui font le choix de prendre le temps…
Il y a les souvenirs de voyages à l’autre bout du monde comme se retrouver seule en tête à tête avec un chevreuil un matin au bord d’un lac du Saguenay* (Canada), observer les parades nuptiales des lucioles un soir d’été en plein cœur de Manathan, se sentir vulnérable et éprouver de la gratitude face à la grandeur de la nature (Islande)…
Et puis il y a les voyages immobiles, ceux que l’on fait depuis son balcon, simplement en contemplant le ciel traversé par les rituels migratoires séculaires de certains oiseaux : les murmurations d’étourneaux en octobre ou les ballets d’hirondelles en juillet. Ce sont des moments que j’attends avec impatience et qui me procurent un immense apaisement.
Holala y’en a plein à travers le monde… je n’aurai jamais assez d’une vie pour toutes les faire !
Mais y’en a une qui me semble peut être plus accessible car elle ne nécessite pas de partir loin, mais au contraire elle redonne du sens aux espaces tout près de chez soi que l’on traverse pour aller d’un point A à un point B mais qui dans le fond nous sont étrangers car nous ne faisons qu’y passer. J’ai réalisé récemment que sur la route des Cévennes que je fais régulièrement, je connais assez peu la rivière qu’elle longe. J’y ai des spots de baignades bien sûr mais ils sont très localisés. Remonter à pied le cours d’eau sur une vingtaine de kilomètres jusqu’à chez moi, c’est l’occasion de repenser mon rapport aux espaces de transition, déplacer mon regard et redonner la valeur de vecteur à ce petit filet d’eau qui depuis des millénaires creuse la vallée.
Encore une fois, c’est moins une destination qu’une expérience*.
En road trip, je dirais que c’était de se poser hasardeusement en bivouac un soir de tempête au sommet d’une falaise proche d’Étretat pour y passer la nuit, espérant au réveil un beau lever de soleil…La pluie battante ne nous permettait pas de voir le vide juste en dessous de nous ni les panneaux d’avertissement de risque d’effondrement… Au réveil, l’arrière du fourgon au bord du précipice, on était pas très fiers.
D’abord, merci Aurélien pour cette belle opportunité de rendre hommage à ma région natale, les Cévennes ! Après toutes ces années à dessiner pour les autres, à fantasmer la nature depuis mon petit appartement parisien, j’ai éprouvé un immense plaisir à revenir sur mes souvenirs d’enfance pour retrouver ces lieux qui m’ont marqués. J’ai pas pu m’empêcher d’en faire six !
D’abord il y a les mines de Charbon du bassin d’Alès. Je suis une petite fille de mineur italien, j’ai été bercée par les récits de mon grand père : la houille, la montagne de terril, les tours métalliques… Cet univers a forgé en moi une fascination pour l’architecture industrielle.
Ensuite il y a le majestueux viaduc de Chamborigaud. Au milieu du XIXe la région voit apparaitre le train à vapeur. La PLM (compagnie des chemins de fer) désenclave la région afin de relier Paris à la Méditerranée. Il suffit de se laisser porter pour croiser aujourd’hui encore de beaux ouvrages qui ponctuent les vallées cévenoles.
Il y a aussi l’observatoire météorologique du Mont Aigoual. C’est un lieu où l’on se sent tout petit avec une vue à 360° sur toutes les Cévennes. L’observatoire est constamment balayé par les vents, et doit affronter des climats extrêmes en hiver. Quand le givre habille la végétation, le paysage devient absolument féérique.
Le Causse Méjean. C’est un plateau d’altitude qui surplombe les gorges du Tarn. J’ai une profonde admiration pour les rares hameaux qui y subsistent, perdus au milieu de roches érodées et de la végétation aride. L’isolement y est absolu ! Enfant j’aimais y cueillir de magnifiques herbes blondes que l’on appelle des cheveux d’anges.
J’ai été fortement marquée par les épisodes cévenols. Certains lieux de baignade de mon enfance ont été dévastés par ces pluies diluviennes qui emportent tout sur leur passage. Être témoin de ce phénomène te fait sentir très vulnérable face à la nature. Ça forge un tempérament… Ce qui te parait être un acquis immuable peut disparaitre du jour au lendemain !
Enfin il y a la magie des soirées d’été à scruter la voute céleste et compter les étoiles filantes. Le ciel des Cévennes est si sombre qu’il est aussi étoilé que celui du désert d’Atacama ! Avec mon fils nous avons ce rituel de dormir à la belle étoile chaque année dans le jardin, parmi les grillons, les vers luisants (qui se font tellement rares à présent) et les animaux nocturnes… C’est un pur plaisir.
Retrouvez également son dernier livre "Il était une forme" aux (merveilleuses) éditions Maison Georges
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